Le
repas le plus important de la journée ? Fini, oublié. C’est mort.
Le miel sera bientôt au prix du caviar, le cours du beurre a
presque triplé depuis avril 2016, et on n’ose pas parler du café
ou du cacao…
On nous l’a
tellement serinée que l’affirmation (quoique contestée par
certains scientifiques) vire à la conviction collective. Le
petit-déjeuner, ce rite pourtant récent, apparu au XIXe siècle,
est essentiel, capital, le plus important des repas. Commencer la
journée le ventre vide relèverait même de la faute grave, facteur
de problèmes de mémoire et de concentration. Sachant que cette
impasse multiplierait par 4,5 les risques de développer un surpoids.
Et les études sur les habitudes alimentaires d’alarmer sur le
désamour pour le p’tit-dej, notamment chez les jeunes.
Et s’il s’agissait,
en réalité, d’une excellente nouvelle? Et si ces absentéistes
du matin avaient intuitivement tout compris, avant la cohorte
moutonnière et gloutonne? C’est le salto arrière intellectuel
qu’on est en droit d’accomplir ces jours-ci, après avoir
additionné différentes données.
C’est, pour
commencer, la chronique du déclin des abeilles qui se confirme
chaque jour, avec, à la clé, la promesse affolante d’une
extinction. Premiers coupables : les pesticides. Ces serial killers
sont plus globalement responsables de l’effondrement de 80 % des
populations d’insectes volants en Europe, en l’espace de
trente ans. Or, jeudi, on apprenait à la fois que la production
de miel en France serait «catastrophique»
cette année avec une
récolte «en dessous des
10 000 tonnes» et
que deux pesticides contenant un néonicotinoïde (substance tueuse
d’abeilles) ont obtenu l’autorisation de mise sur le marché
français. Bien joué le gouvernement, on a envie de dire. A quand un
miel au prix du caviar ? Autant s’en priver tout de suite, pour
s’habituer.
Problème : c’est
possiblement sur la tartine dans son ensemble qu’il va falloir
faire une croix. Vu que le beurre aussi tourne mal. Pour le
porte-monnaie du consommateur s’entend, avec un envol du cours de
la tonne de beurre industriel, presque multiplié par trois : de 2
500 euros en avril 2016, il est passé à 7 000 euros
cet été. Merci le retour en grâce de la graisse. Car voilà, après
nous avoir fait les gros yeux pendant des décennies avec l’équation
corps gras = cholestérol, les chercheurs ont affiné leur propos et
établi que les acides gras saturés animaux, contenus dans le beurre
(contrairement à la margarine), la viande ou la crème, ne sont
finalement pas dangereux pour la santé. Exit notamment le sur-risque
de maladies cardio-vasculaires. Et le beurre d’être adoubé «or
jaune», au moment même où l’huile de palme déforestatrice et
ennemie des artères (45 % d’acides gras saturés) concentre les
foudres. Des Etats-Unis à l’Arabie Saoudite en passant par l’Asie,
la demande explose. Las, le moral de la filière lait vole toujours
en rase-mottes : sous la pression anti-corps gras, la recherche
génétique a reconditionné les vaches qui produisent désormais un
lait contenant moins de matières grasses, donc, in fine, moins de
beurre…
Au pire, il nous
reste le café et le chocolat, ces must du petit-déjeuner
continental. En fait… non. En cause, cette fois, le réchauffement
climatique auquel les caféiers et les cacaoyers sont hypersensibles.
L’offre (comme la demande) est pour l’heure globalement stable,
mais d’aucuns alertent : si, en 2050, la température augmente
de 2° C comme le prévoient les experts, certaines zones d’Afrique
de l’Ouest deviendront carrément impropres à la production de
cacao. Et l’arabica est déjà en berne. Allez, un bol d’eau
chaude et au boulot!
D'après libération.fr