L’édition 2019 du rapport des Nations-Unies explique que, globalement, la situation du droit des femmes tend à s’améliorer dans le monde. Néanmoins, inégalités et autres violations des droits fondamentaux persistent dans de nombreux pays. Et dans certains pays, ces droits reculent.
La
pauvreté et les violences faites aux femmes demeurent les fléaux les
plus répandus dans le monde. Le viol s'est répandu comme une arme de
guerre utilisée en toute impunité en Afrique et au Moyen-Orient, et des
dizaines de milliers de femmes sont traitées en esclaves sexuelles dans
les zones de conflits. Par ailleurs, bien qu'interdites par le droit
international, les mutilations sexuelles féminines se pratiquent encore
dans des dizaines de pays. S'il est impossible de passer ici en revue la
situation des femmes dans chaque pays de la planète, voici le point sur
la situation dans six d'entre eux, où la situation est jugée
préoccupante pour les droits des femmes.
En Pologne, la dénonciation de "l'idéologie du genre"
L’arrivée au pouvoir du parti Droit et Justice (Prawo i
Sprawiedliwość, PiS) en 2015 a signalé le début d'une campagne de
dénigrement systématique des idées d'égalité de genre. La dénonciation
de "l'idéologie du genre" par les ténors du PiS, relayée par l'Église catholique de Pologne s'est accompagnée de campagnes récurrentes de soutien aux "valeurs traditionnelles de la Famille".
Cela s'est traduit par exemple par la transformation des cours
d'éducation sexuelle dans les écoles en 2016. Rebaptisés "cours de
préparation à la vie de famille", conduits par les enseignants en
religion, ils promeuvent une éducation basée exclusivement sur
l'abstinence et "leur objectif semble être de prévenir tout rapport sexuel avant mariage", note un rapport de l'OMS sur le sujet. Dans son rapport sur la situation des Droits des Femmes en Pologne en 2019, Human Rights Watch écrit :
"L'assimilation de la promotion de l'égalité entre les sexes à une "idéologie du genre" a entraîné dans les rhétoriques gouvernementales et cléricales sa diabolisation comme force entraînant hypersexualité, homosexualité, ou féminisme, autant de tares et d'agressions contre les notions traditionnelles de mariage ou de famille."
Résultat de ces campagnes : toutes les associations de
défense des femmes, notamment celles prenant en charge les victimes de
violences domestiques, ont vu leurs subventions systématiquement
amputées voire purement et simplement annulées. Ministres,
députés et hauts fonctionnaires gouvernementaux affiliés au PiS ont par
ailleurs minimisé ce problème des violences conjugales en indiquant par
exemple que celles-ci ne pouvaient avoir lieu "dans des familles aimantes normales".
Le gouvernement polonais a d'ailleurs menacé à plusieurs reprises de
dénoncer la Convention du Conseil de l'Europe sur les violences
conjugales et violences faites aux femmes.
Face à la Commission des
Nations Unies sur le statut des Femmes, l'ambassadeur plénipotentiaire
Wojciech Kaczmarczyk
n'hésitait d’ailleurs pas en 2016 à mettre en avant le rôle des femmes
dans la société comme étant surtout associé à la reproduction, indiquant
que "les contraintes économiques et sociales forcent souvent les
femmes à renoncer à être mères ou à limiter le nombre d'enfants qu'elles
veulent".
Le gouvernement PiS a par ailleurs tenté d'interdire tout droit à l'avortement.
La loi polonaise était déjà l'une des plus restrictives en la matière,
l'avortement étant interdit dans le pays sauf dans les cas de viol, de
développement anormal du fœtus ou de risque vital pour la mère.
Un projet de loi interdisant complètement l'avortement, déposé en 2016,
avait entraîné grève et manifestations, et avait été retiré. Un second projet de loi baptisé "stop à l'avortement",
soutenu par la Conférence des Évêques de Pologne est en cours d'examen.
Il interdirait tout avortement pour cause de malformation du fœtus ; la
grande majorité des quelques 1 000 avortements légaux qui ont lieu en
Pologne tous les ans sont liés à cette disposition. Selon la présidente
du Planning familial polonais, il y aurait par ailleurs quelque 100 000
avortements illégaux pratiqués dans le même temps dans le pays.
En Hongrie, on éteint la commission en charge de l'égalité entre les sexes
Atmosphère semblable dans la Hongrie de Viktor Orban où l'idéologie de "l'illibéralisme démocratique" du dirigeant hongrois s'est également traduite par l'encouragement et la mise en avant des "valeurs traditionnelles et familiales".
Dès 2010 avec son retour au pouvoir et son virage traditionaliste, le
parti de Viktor Orban, la Fidesz, fermait sa commission en charge de
l'égalité entre les sexes. Depuis, elle a été réintroduite dans les
instances du parti mais avec seulement deux personnes pour s'en occuper.
Comme en Pologne, le gouvernement de Viktor Orban s'est également
employé à discréditer les associations de défenses des droits des
femmes, les dénonçant comme autant "d'agents étrangers menaçant l'identité nationale".
En Russie, la décriminalisation des violences conjugales
En 2017, Vladimir Poutine promulguait une loi décriminalisant les
violences domestiques qui n'auraient pas entraîné de blessures graves ou
qui ne se seraient pas répétées dans l'année... Et ce, alors que les
violences domestiques tuent quelques 12 000 femmes annuellement en
Russie, une toutes les 40 minutes ! La loi avait été approuvée par le
parlement russe par un vote quasi unanime : 380 députés votant pour et
seulement trois s'y étant opposés. La sénatrice Yelena Mizulina qui
avait porté le projet de loi expliquait par exemple que l'humiliation d'un homme par sa femme était, à ses yeux, nettement pire que les violences d'un homme sur sa femme.
Dans les jours qui suivirent cette modification de la loi, le maire
de Yekaterinburg relevait que les violences domestiques avaient
immédiatement doublé dans sa ville, passant de 150 plaintes reçues
quotidiennement, en moyenne, à plus de 350. "Les gens ont eu l'impression qu'avant, c'était interdit (de battre sa femme) et que maintenant c'était autorisé", résumait, lapidaire, l'édile de la quatrième ville de Russie.
En Inde, une femme violée toutes les 40 secondes
Sept ans après le viol en réunion et le meurtre de l'étudiante en
pharmacie Nirbhaya dans la capitale indienne, qui avait entraîné une
mobilisation sans précédent dans le pays, la "culture du viol" semble toujours de mise.
Les lois ont été durcies : les peines d'emprisonnement pour viol ont
été doublées et le gouvernement conservateur et nationaliste de Narendra
Modi, arrivé au pouvoir en 2014, a promis une politique de "tolérance zéro"
pour les violences faites aux femmes. Mais la réalité demeure que ces
violences se sont poursuivies et même la cour Suprême admet que les
changements législatifs opérés ces dernières années n'ont finalement
rien changé : une femme est violée toutes les 40 secondes en moyenne,
faisant de l'Inde le pays le plus dangereux au monde pour les femmes.
Quant à la bataille contre le viol et la tolérance zéro prônée par le
gouvernement Modi, force est de constater qu'on est encore très loin du
compte. L'Inde a toujours l'une des plus faibles proportions de
condamnations pour viol au monde : 0,3% en 2018 ! Selon les chiffres du
National Crime Records Bureau, il y a eu cette année-là 156 327 procès
pour viol dans le pays et seules 4 708 affaires ont abouti à des
condamnations, contre 11 133 acquittements et 1472 non-lieux. Le solde,
soit plus de 133 000 affaires, est toujours en cours.
En Chine, des décisions de justice défavorables aux femmes
En 2016, le gouvernement édictait un nouveau texte de loi incriminant
les violences faites aux femmes dans le cadre domestique. Sur le papier
c’est une avancée ; dans la réalité la loi n’est guère appliquée, et
quatre ans après, il demeure par exemple extrêmement rare qu’une cour de
justice ordonne la moindre injonction d’éloignement du domicile
conjugal pour les époux condamnés pour violences.
Parallèlement, le gouvernement a dénoncé et fait fermer la plupart
des associations féministes ou d’aide aux femmes, notamment celles qui
concentraient leurs efforts sur les victimes de violences conjugales.
Une répression qui touche aussi, plus largement tous les avocats
défendant les droits fondamentaux du pays, mais, comme le notait le rapport du groupe de travail de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les discriminations à l’égard des femmes : "La
dégradation de la situation des droits fondamentaux des femmes est
révélatrice des défis qui se posent à la société tout entière dans le
domaine des droits de l’homme."
En Arabie Saoudite, la séparation des sexes la plus stricte au monde
En Arabie Saoudite, Loujain Al Hathtloul a fêté ses 30 ans dans la
prison où elle est enfermée depuis près d'un an et demi. Elle a été
inculpée pour avoir réclamé pour les femmes le droit d'être seule au
volant et la fin du système du contrôle masculin saoudien. En raison du
militantisme des iraniennes contre le sexisme et les discriminations, le
pouvoir de Ryad a levé plusieurs interdictions faites aux femmes, comme
la fin de la tutelle masculine, pour les voyages des femmes ou pour une
déclaration de naissance, et l'autorisation pour les Saoudiennes de
conduire. Mais dans le pays où la séparation des sexes est la plus
stricte au monde et la domination masculine érigée comme système public,
les saoudiennes sont maintenues dans un statut de mineures, dépendantes
du patriarcat, et, du tutorat d'un parent, père, mari ou frère.
source: www.franceinter.fr
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