Est-ce la fin de l'expression "passe ton bac d'abord!"? Assénée aux lycéens français depuis de nombreuses générations, l'injonction populaire pourrait bien vivre ses derniers instants, tant la réforme du baccalauréat présentée mercredi 24 janvier, devrait transformer la nature de l'examen.
Plusieurs propositions avaient déjà fuité, comme la suppression des séries du bac général. L'examen sera "resserré" avec cinq épreuves nationales (comptant pour 60% de la note finale), le reste étant évalué par un contrôle continu (40% de la note du bac).
Les lycéens passeraient les épreuves de français en première puis deux autres au printemps de leur terminale, suffisamment tôt pour que les résultats soient intégrés dans la plateforme d'admission post-bac "Parcoursup".
Seule l'épreuve de philosophie et un "grand oral" se tiendraient en lieu et place de la sacro-sainte semaine de juin. Finis les oraux pour les élèves ayant obtenu entre 8 et 10. Ils seraient remplacés par l'étude du livret scolaire du candidat.
Une révolution à l'orée 2021 qui pourrait porter un coup à ce que l'on qualifie communément de "rite de passage" entre l'adolescence et l'âge adulte. Mais pas seulement.
Rite initiatique
Le baccalauréat dans sa formule actuelle, parce qu'il est proposé à une période charnière de la vie, entre enseignement supérieur et universitaire est souvent présenté comme "un rite initiatique individuel". "L'épreuve est proposée au début de la vie adulte, en même temps que le permis de conduire, le droit de vote et celui au mariage. (...) Il marque ensuite la nécessité, souvent douloureuse, du choix d'une orientation conditionnant la vie professionnelle. (...) Enfin, le bac reste une référence tout au long de l'existence.
Certains adultes passent l'examen à un âge avancé pour vaincre l'humiliation qu'ils ressentent", explique le psychanalyste Samuel Lepastier au Monde. "Il s'agit de passer du statut de jeune à l'insertion sociale. Une fois le bac en poche, il y a une forme de changement d'espace-temps (...) cela représente quelque chose", explique-t-il au HuffPost.
Seulement en modifiant les règles de l'examen, accordant notamment une place prépondérante au contrôle continu dans la notation finale, le ministère de l'Éducation nationale pourrait mettre à mal la portée symbolique de l'examen, reposant en particulier sur le principe d'égalité.
La fin d'un symbole de l'égalité républicaine
À force de parler de rite de passage individuel, on oublie que le bac incarne également un rapport au pouvoir politique", explique la spécialiste qui fait le parallèle entre le baccalauréat et le service militaire, deux événements qui sont, ou étaient, censés incarner l'égalité.
Et c'est bien ce point qui pourrait cristalliser les tensions autour du projet. Car dans sa formule actuelle, "le bac incarne la promesse de la reconnaissance des talents des individus". Une promesse qui pourrait prendre du plomb dans l'aile en cas d'abandon du caractère national de l'examen. "Cela signerait la fin d'un symbole de l'égalité, la fin du dernier grand rituel républicain et la fin d'une époque en terme de rapport du citoyen à son État".
Le ministre de l'Éducation nationale devrait présenter, dans son projet, la création d'un "
grand oral", une nouvelle épreuve commune à tous les lycéens.
Un grand oral "républicain" pour compenser?
certaines sources indiquent que cette nouvelle épreuve comptera pour 15% de la note finale. Elle pourrait porter sur des matières interdisciplinaires, par exemple une majeure et une mineure, et être préparé de manière collective, même si l'épreuve serait passée individuellement. "Les compétences orales sont importantes pour la réussite dans l'enseignement supérieure et l'insertion professionnelle". Les établissements universitaires pourraient en effet sélectionner "les étudiants en fonction des épreuves anticipées et du contrôle continu", auquel cas, ce grand oral républicain -prévu pour la fin d'année scolaire en même temps que la philosophie- serait vidé de son sens.
Source: Huffingtonpost.fr