mardi 26 novembre 2019

"TISSER L'AMITIÉ"

C'est le titre du livre de Jean-Pierre Vernant (1914-2007), paru en 1996. Historien et anthropologue français (spécialiste de la Grèce antique), il a enseigné dans les lycées, et a été professeur au Collège de France. C’est également une grande figure de la Résistance française. Il parle si bien de ce que peuvent être les relations entre professeurs et élèves. Vernant contourne avec élégance (sans les occulter) toutes les difficultés attendues et prévisibles (la démagogie, l’idéologie, le nivellement, la recette unique, la brutalité etc.) quand il s’agit d’autorité. Il y a chez lui une manière simple et subtile de faire le lien entre une conception de la classe et une conception, plus large, de la société, de la vie, de penser l’autorité sous le jour d’une esthétique et d’une éthique de la relation sociale qui est fondamentale. 

« Un professeur fait du théâtre quand il arrive dans une classe. Mais il y a différentes manières de s’y prendre. On peut taper sur la table et faire sentir toute la distance qui sépare les élèves du professeur. On peut aussi jouer le jeu inverse, et c’est ce que je faisais quand j’enseignais au lycée : non seulement en tutoyant les élèves, mais en s’efforçant d’abolir, jusque dans sa tenue vestimentaire et son vocabulaire, tout indice d’une autorité conférée par une hiérarchie sociale. Evidemment, le professeur sait bien, quelle que soit la stratégie qu’il adopte, que ce n’est pas la même chose d’être élève et d’être professeur. Celui qui est sur le banc et celui qui est derrière le bureau n’ont pas le même statut. La stratégie de la non-distance peut être très adroite ou, au contraire, amener celui qui l’emploie  à la catastrophe. Mais s’il y recourt plutôt qu’à une autre, ce n’est pas par pure stratégie. C’est parce qu’elle correspond à l’idée qu’il se fait du rapport entre maître et élève, de ce qu’est un groupe. Si on entre dans le jeu de l’abolition de la hiérarchie, ce n’est pas simplement de l’habileté, c’est aussi une esthétique, et une éthique de la relation sociale.
Il faut commencer par cesser d’être professeur pour pouvoir l’être. Cela signifie obligatoirement – à mon avis c’est une idée grecque- que toute relation sociale, avec une classe comme avec le groupe dans lequel on s’est engagé dans la Résistance, implique un ciment qui est l’amitié. Cet élément fondamental est le sentiment d’une complicité, d’une communauté essentielle sur les choses les plus importantes. Dans le rapport du professeur avec ses élèves, c’est le fait de partager une certaine idée de ce que doit être quelqu’un, d’avoir en commun une certaine forme de sensibilité, d’accueil à autrui, de s’accorder sur l’idée qu’être autre signifie aussi être semblable. »

 SOURCE : Jean-Pierre Vernant, “Tisser l’amitié”, in Entre mythe et politique, Le Seuil, 1996


Comment est-ce que je comprends cette phrase : “Il faut commencer par cesser d’être professeur pour pouvoir l’être” ? 
Les meilleurs profs sont, à mon sens, celles et ceux qui ne se prennent pas pour des “Professeurs”, mais qui veulent SIMPLEMENT et PLUS QUE TOUT, ENSEIGNER quelque chose à leurs élèves, conférant tout son sens à l’étymologie du mot “Professeur” : “celui qui enseigne“…



7 commentaires:

  1. Je pense que cet article est tellement intéressant, c'est peut-être un des plus intéressants qui est mis dans ce blog. Je suis complètement d'accord avec l'opinion de Vernant: il y a beaucoup de proffeseurs qui sont tròs autoritaires, et surtout qui ne veulent pas enseigner, qui ne sont pas intéresés dans ce qu'ils sont en train de faire. À mon avis, il y a un principe très important, ne suelement pour les proffeseurs, mais aussi pour notre relation avec les autres: le respect ne s'impose pas, on gagne le respect des personnes. Les proffeseurs qui ne comprennent pas cela provoquent le rejet des élèves vers leurs matières, et ainsi l'échec scolaire.
    Gonzalo Sarramea Arevalillo

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  2. -Cristhian Acosta
    les relations élève-professeur sont très importantes, à mon avis il faut marquer la ,-que sinon on peut arriver à des circonstances pénibles. Un élève est au-dessous d'un professeur, cela est marqué par l'effort et travail qui a mis le professeur afin de pouvoir enseigner. La ligne doit-être définie.

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  3. Bien que je suis complètement d'accord avec l'idée qu'il est nécessaire d'avoir une rélation cordiale avec le professeur avec l'objectif que le cours ne soie pas insupportable, je crois aussi qu'il faut marquer la différence de status entre les deux, la manque d'autorité n'est plus une bonne situation dans l'éducation.
    Javier Miñano

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  4. Bon après-midi!
    J’ai relu cet article et je trouve que la relation entre un professeur et ses élèves doit être libre et d’un enseignement réciproque. C’est vrai qu’il y a une différence de status mais on peut toujours apprendre.

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  5. Bonsoir! J'ai lu l'article et je pense que c'est un sujet sur lequel on devrait réfléchir.

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  6. Bonjour,je suis Clara Aperador et j'ai lu l'article.Je suis totalement d'accord avec lui!

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  7. Bonjour, je suis Javier Castaño. J'ai trouvé cet article très intéressant. L'idée de la rélation élève-proffeseur que Jean-Pierre Vernant expose devrait être appliquée par tous les proffeseurs.

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