lundi 25 novembre 2019

ILLECTRONISME: VOYAGE DANS UNE FRANCE MISE SUR LA TOUCHE

C’est le nouvel illettrisme et il touche un quart des habitants de notre “start-up nation”. Ce qui n’est pas sans poser problème quand l’objectif de l’état est de dématérialiser un maximum de démarches administratives d’ici à 2022.

"La mairie ne donne plus d’informations par affichage. Il faut aller sur le site. Le souci, c’est qu’un grand nombre d’habitants ne se sert pas d’internet. Du coup, ils ne sont par exemple pas informés du passage des poubelles : ça devient un problème." Michèle habite à Audrieu, une bourgade de 1016 habitants située à 18 kilomètres de Caen.

Si cette retraitée de l’Éducation nationale parvient, en multipliant les formations, à se "débrouiller" avec la chose informatique, ses voisins, un chauffeur routier, une mère de quatre enfants dont le mari est handicapé, un couple de retraités, n’ont pas intégré le numérique à leur vie quotidienne. Pas plus d’ailleurs que son époux, médecin à la retraite, totalement réfractaire aux nouvelles technologies : "Comme il n’a aucune confiance dans ce qui est dématérialisé, on est obligé d’aller à la perception pour vérifier que la déclaration de revenus que j’ai faite en ligne ne comporte pas d’erreurs !" 

Michèle, Pierre, leurs voisins, font, selon une étude CSA Research, partie des 25 % de Français souffrant d’illectronisme, à savoir la difficulté ou impossibilité d’accès aux outils numériques. L’illectronisme ou nouvel illettrisme des start-up nations dans lesquelles savoir se connecter est un prérequis indispensable pour accéder à ses droits sociaux, renouveler des papiers d’identité, déclarer ses impôts, postuler pour un emploi mais aussi consommer au meilleur prix, réserver un billet de train (depuis peu la SNCF propose de le faire via Messenger). Et tout simplement se sentir relié à l’ensemble de la communauté.
Pour Pierre non plus, surfer sur le Net n’équivaut pas à naviguer sur un long fleuve tranquille. Mais comme Michèle, cet artiste peintre vivant à Lioux-les- Monges, dans la Creuse, tente de s’y retrouver entre identifiants, mots de passe, mises à jour, cookies et autres pièges de la planète digitale. Hormis le médecin, les 56 habitants de son village, pourtant raccordé depuis peu à la  fibre, ne connaissent pas ses angoisses : ils n’utilisent pas internet.

OBJECTIF 2022


Selon l’enquête CSA Research réalisée en 2018 à la demande du Syndicat de la presse sociale (SPS), bien qu’équipés (88 % de nos concitoyens possèdent un ordinateur, tablette, smartphone...), nombreux sont les Français à ne pas être à l’aise avec la technologie digitale. 16 % ne surfent jamais sur le web et 32 %, tous pro ls et catégories sociales confondus, font partie des "abandonnistes", ces internautes renonçant régulièrement à une démarche en ligne.

"L’État a, de façon un peu brutale, décidé de dématérialiser le quotidien, avec l’idée que tout le monde est à l’aise avec le numérique. Ce qui est faux, commente Philippe Marchal, président du SPS. On se doutait que les seniors n’étaient pas les plus habiles en la matière, mais les résultats de l’étude montrent que toutes les strates de la société sont concernées, jeunes compris." 

"Lorsque j’emmène mes élèves en salle d’enseignement général et professionnel adapté [destiné aux élèves en difficulté scolaire, ndlr], je vois la plupart d’entre eux déconcertés par des consignes aussi simples qu’ouvrir un navigateur, explique dans une tribune au quotidien Libération, du 21 novembre 2018, Rachid Zerrouki, professeur en Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) à Marseille.

J’ai de sérieux doutes sur le fait que le maniement des outils numériques soit chez eux une consigne innée. Mes élèves jouent à Fortnite et publient des statuts sur Facebook ou des stories sur Snapchat, mais quand il s’agit de faire un usage éducatif de l’outil numérique [type recherches en ligne, ndlr], ils redeviennent ces êtres chétifs et impuissants qu’ils sont devant un livre ou un cahier." Michèle fait le même constat.
"Mes petits-enfants ne répondent pas à mes e-mails. Pas plus qu’ils ne consultent un dictionnaire, ils ne savent pas se servir d’internet comme un outil." Selon l’enquête CSA, plus de la moitié de ceux qui sont en délicatesse avec clavier et souris voient "leurs activités limitées" et se sentent "en décalage avec leur environnement". Un sentiment de solitude, de honte parfois, proche de celui que peuvent éprouver ceux qui ne savent ni lire ni écrire. 
Qui dit "digital native" ne dit pas forcément geek.

 www.wedemain.fr

2 commentaires:

  1. Bon après-midi! J’ai lu cet article et je l’ai trouvé très intéressant. Il faut promouvoir l’usage outil du numérique et laisser de côté ce qui est moins important... (comme le temps passé au Instagram)

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  2. Bonne nuit, je suis Carmen León et j’ai lu l’article.

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